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Fengshan, mission jonction (mars 2009, Guangxi, Chine)

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Fengshan, mission jonction (mars 2009, Guangxi, Chine) Empty Fengshan, mission jonction (mars 2009, Guangxi, Chine)

Message  Admin Mer 11 Mar - 19:19

28 février, Fengshan me propose une mission : les aider à établir une jonction entre Yuanyandong, la belle salle concrétionnée aménagée pour le tourisme, et Xixilidong, une grotte explorée par une expédition spéléo italienne quelques 10 ans plus tôt.
Je commence par faire un pointage précis des entrées par trigonométrie. Le secteur concerné est bien entendu à la jonction de quatre cartes, mais elles sont très précises et il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.
Lors des relevés, je remarque un fort courant d'air aspirant à Xixilidong. Un peu plus loin, une petite cavité souffle un panache de vapeur. je l'inspecte, mais il s'agit d'un réseau inter-bloc très étendu et n'arrive pas à passer jusqu'à une cavité cohérente. Yuanyandong n'a pratiquement aucun courant d'air. Nous sommes en conditions hivernales et cette entrée est plus basse, elle n'aura donc aucune connection directe et ouverte avec Xixilidong.
Après avoir récupéré les plans des deux grottes et les avoir mis à la même échelle, ma conclusion est que rien n'est gagné car une distance de 160 m sépare les deux cavités.

Une inspection de détail de la paroi sud et est de Yuanyangdong me rends encore plus pessimiste. Quand les coulées stalagmitiques ne couvrent pas parois et sols, le mur de roche descend jusqu'aux rochers. Et même en me faufilant partout où c'est envisageable, je n'arrive pas à trouver un quelconque passage. La seule continuation possible vers l'est se trouve au plafond où une belle galerie part dans la bonne direction... mais pour quelle longueur ? Impossible de le savoir sans y aller, et ce n'est pas gagné.

Dans Xixilidong, je fait aussi une inspection détaillée de la paroi ouest. Xixilidong s'est formée selon une fracture inclinée. On distingue deux étages de galeries séparés par une descente dans une trémie. Le puits d'entrée peut se descendre en escalade, mais il est un peu long. Le premier étage de galerie partant à l'ouest s'achève sur une coulée de calcite l'obstruant totalement. Je fait quelques mesures dans cette galerie qui me confirmeront que la topographie que l'on m'a donné ne présente pas d'erreur de direction ou d'échelle. 
L'étage inférieur à l'ouest passe près d'un puits de 50 m. Sur le bord, arrive de l'ouest une galerie haute d'une cinquantaine de mètre remplie sur presque tout sa hauteur par une coulée de calcite. Je ne peux pas monter voir si elle présente un prolongement. Je peux par contre par une escalade dans les concrétions en choux-fleur installer une corde qui me permet de traverser le puits de 50 m; Une courte escalade me permet de prendre pied dans une galerie absente du dessin fait par les italiens. Je relève la topographie de ce conduit concrétionné. Il s'achève d'ailleurs par excès de concrétionnement. Malheureusement, sa direction tourne le dos à Yuanyangdong.

La seule possibilité évidente est donc de grimper la coulée stalagmitique dans la haute galerie qui arrive au puits.
Le lendemain, je viens donc avec le matériel nécessaire.  La mise en oeuvre de l'escalade artificielle en solo demande plus de temps et de précautions. Mais il n'y a pas vraiment de problème technique important, la calcite est de bonne qualité et les transitions entre secteurs ne passant pas en escalade libre et secteurs ne nécessitant pas vraiment d'assurance efficace sont très courtes. J'atteint donc lentement mais surement et facilement le niveau nécessaire. Le sommet de la coulée forme un superbe gour sec. Mais très rapidement, une nouvelle coulée vient bloquer chaque interstice. Les concrétions et une marmite de paroi sont providentiellement situées pour faire une descente en rappel. Je lève la topographie des lieux ainsi qu'une bonne partie de la galerie déjà présente sur le plan italien afin de pouvoir faire coïncider sans ambiguïté ce nouveau prolongement avec l'ancien plan.

La conclusion de la journée est que, si l'on veut donner à cette jonction toutes les chances possibles, il faut escalader au plafond de la salle de Yuanyangdong. En effet, si la galerie entre-aperçu du bas se prolonge ne serait-ce que d'une centaine de mètres, il ne resterait que quelques dizaines de mètres à creuser en suivant l'axe de la galerie pour effectuer la jonction. 

Le lendemain, l'escalade de la veille m'ayant servi d'entraînement et de mise au point, je m'attaque à cette escalade. Il faut dire qu'a chaque fois que je suis allé à Yuanyangdong, cette grosse galerie perchée m'attirait. Alors...
Alors ce n'est pas plus facile que prévu. Il est possible de gagner tout le dénivelé nécessaire en grimpant dans les concrétions au fond de la salle, mais on aurait alors plus de cent mètres de traversée à faire. Quand à débuter sous l'ouverture, ce n'est même pas la peine d'y penser, il y a une bonne quinzaine de mètres en surplomb. Je choisis donc une voie intermédiaire.
La principale difficulté de l'exercice est de prendre les bonnes décisions. Le perforateur et ses accumulateurs électriques sont lourds. Il faut donc éviter de les porter sur soi mais les accrocher au point d'ancrage précédent. Il y a des possibilités d'amarrages naturels ou semis-naturels tels que draperies vite perforées dans laquelle on passe une ficelle de dyneema. Mais il faut constamment considérer les conséquences de rupture d'un amarrage en terme de force choc exercée sur les ancrages précédents, et en terme de risque de blessure. De même, si la progression assurée sur bloqueur est souvent plus pratique car il est plus aisé d'en ajuster la position, elle est dangereuse si la longueur de corde pouvant amortir le choc est insuffisante ou si le choc peut être trop violent. Il n'est pas non plus envisageable de tout grimper d'une seule traite, je n'ai pas assez de matériel. Il faut donc gérer des relais et la récupération du matériel au-dessous tout en garantissant la possibilité de s'échapper par un simple rappel. Il est préférable également de ne pas laisser tomber du matériel. Tout ça donne une progression très lente, et je suis très satisfait qu'aucun chinois ne m'accompagne car je me sens bien plus libre de choisir la lenteur. Au total, je n'aurais qu'une rupture d'amarrage. Un gratton de progression ayant décidé de casser. Mon bloqueur de pieds aussi a choisi de me quitter, mais sans que je ne m'en rende compte, je ne m'en suis rendu compte que lorsque j'ai voulu l'utiliser car c'est bien pratique pour gagner un peu de hauteur. L'endroit où il a fallu le plus traîner était bien évidement juste sous une stalagmite pissant abondamment  dans mon dos. Mais globalement, j'ai tout de même pu faire une bonne moitié de l'ascension en une journée. J'aurais volontiers prolongé de quelques heures, mais c'est le guide de la grotte qui est venu me chercher, la journée étant finie pour lui, il fallait qu'elle le soit pour moi.

Un nouveau jour de grimpe donc.  Le relais de la veille était une petite niche abondamment fournie en colonnes. les 10 m qui suivent sont plutôt bien dotés en stalagmites et un lancer de corde permet de gagner encore quelques mètres. J'atteint ainsi la base du goulet final qui remonte tout droit vers la galerie. C'est tout à fait le genre d'escalade que l'on tenterait sans corde si on n'était pas au-dessus du vide. Je l'attaque avec coinceur, crochet et dyneema, jusqu'à une petite marche où il me faut sculpter au marteau un amarrage naturel. je peux alors redescendre chercher le perforateur et planter les deux goujons qui me permettent de sortir enfin sans me poser de question existentielle.

La galerie est bien là, superbe, haute, large, concrétionnée... trop concrétionnée, je me retrouve bien vite à serpenter entre colonnes, stalagmites et stalactites, à élargir au marteau quelques passages... rien n'y fait, il n'y a pas moyen d'avancer. Et pas de courant d'air non plus. je topographie les principaux prolongements, mais comme je sais déjà la conclusion de l'histoire, je ne laisse rien en place et rappelle la corde après avoir descendu tout le matériel. En effet, cette galerie n'a pas assez avancé pour approcher sensiblement Xixilidong. Je mesure distances et azimut jusqu'à la porte de la grotte pour avoir un raccord topo fiable, ce qui me permet aussi de confirmer que l'échelle et l'orientation du plan que l'on m'a donné sont fiables.


Quelques jours plus tard, le patron de la grotte me dit que du temps où des vandales pillaient les concrétions dans Xixilidong, il était possible de les entendre dans Yuanyangdong. Mais nous remettons à une date ultérieur d'autres tentatives pour expliquer cette histoire peu vraisemblable dans l'état actuel des connaissances de ces deux grottes.

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