Fêtes du nouvel an chinois chez Alice
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Fêtes du nouvel an chinois chez Alice
Quelques nouvelles lignes de la vie d'Alice qui m'a fait l'honneur de m'inviter pour le nouvel an. "cette année, pour passer le nouvel an, nous serons 5 dans ma famille : moi, mon père, ma mère, mon frère et toi." Ça ne se refuse pas vraiment.
Le nouvel an chinois est un instant très familial, presque intime. Celle année, le passage se fait la nuit du 2 au 3 février. Je suis arrivé à Changzhou, le village d'Alice, la veille sans bien savoir pourquoi, mais je soupçonne tout simplement, pour avoir vu ce sentiment très souvent, une crainte irrationnelle que je me retrouve isolé pendant les fêtes. Les gens étant pour la plupart chez eux pendant quelques jours, ils ont tendance à croire que tous les commerces sont fermés. Ma logeuse m'a prévenu plusieurs fois, insistant pour que je vienne manger chez elle si jamais je ne trouvais aucun endroit ouvert pendant les fêtes. Dans la pratique, on trouve toujours et sans difficulté une petite échoppe où consommer un bol de nouilles.
Nous nous sommes retrouvé à Changzhou, pour nous acquitter d'une formalité avant d'arriver chez ses parents : acheter pour cent yuan de feux d'artifices et quelques fruits. Les fruits, c'est pour ne pas entrer dans une maison les mains vides en temps de fête. Les feux d'artifice, c'est parce qu'elle avait acheté Quatre cent yuans de feux d'artifice, mais comme nous serons cinq... Marché conclus.
Je ne peux pas m'empêcher de lui rappeler qu'au printemps, elle avait nourris pendant un mois des vers à soi qui ont rapporté bien moins que ce qu'elle a dépensé pour un feu d'artifice d'à peine une minute... Mais il n'y a qu'un jour de l'an pas an !
Pour ceux qui disent que le progrès dans les campagnes chinoises n'existe que dans la propagande, la route de terre et de boue menant à son village a été bétonné. Ce qui est bien appréciable. Nous sommes allé faire un petit tour dans la montagne derrière chez elle. Une piste praticable en Sanma, sorte de véhicule de transports en commun à trois roues dont la version campagnarde peut emmener une dizaine de passagers s'ils se serrent un peu, dessert maintenant un village qui n'était accessible que par un sentier montagnard. Les écoliers seront sans doute ainsi un peu plus nombreux à poursuivre leur scolarité au-delà de l'école primaire.
Ces montagnes, Alice les connaît par coeur. Ce n'était pas à proprement parler son terrain de jeu. Enfant, elle devait surveiller les buffles. C'est très simple, il faut les laisser faire tout ce qu'ils veulent tant qu'ils ne mettent pas en péril la culture du riz ou du maïs. Mais ça bouge beaucoup, un buffle. Alors il faut sans arrêt courir dans la montagne. Là, il y a souvent un nid de frelon. De ceux dont on mange parfois les larves dans les restaurants un peu cher. La forêt est constituée de conifères à croissance rapides, pour le bois de construction et de châtaigniers. En grimpant dans l'un d'eux pour secouer les branches, elle avait chuté d'une dizaine de mètres, sur le dos. Pendant plusieurs semaines, elle n'avait pas pu se redresser, mais n'avait pas osé parler de cet accident à sa mère de peur de se faire gronder, prétextant un mal de dos attrapé en dormant. Une autre fois, autre châtaignier, c'est une amie voulant la suivre qui était tombé. Elle a eu moins de chance et n'a pas pu éviter l'hôpital.
Dans cette montagne, il y aurait encore un très gros serpent. Mais elle ne l'a jamais vu. Sa mère par contre lui a raconté qu'une année, il y avait un très gros serpent accompagné de nombreux petits. Tous les enfants de l'époque étaient allé voir ce phénomène incroyable. Cette année, beaucoup de personnes sont mortes.
Les parents d'Alice ne sont pas superstitieux. Ils n'ont pas de miroir au-dessus de leur porte pour effrayer les fantômes et les ciseaux accrochés à coté ne sont là que pour la cuisine.
2001 n'est pas très bonnes pour les finances, car le père d'Alice a fiancé sa fille début janvier, et son fils se fiancera dans quelques jours. Mais comment en définitive Alice a-t-elle fait pour convaincre ses parents d'accepter ce gendre qu'ils rejetaient depuis si longtemps ? Par la raison ? L'affrontement ? Le chantage ? Rien de tout ça, elle n'a jamais contredit ses parents, jamais défié leur autorité. Elle a juste fait comme bon lui semblait, et avec le temps, ils ont finit à se résigner et à suivre doucement son idée.
Son petit frère et sa promise ont eu moins de chance. Les familles ont pratiquement tout décidé, leur ont vaguement demandé leur avis et ont programmé les fiançailles très rapidement. Si bien qu'ils ne se connaissent par téléphone que depuis quelques mois et se sont rencontrés pour la première fois il y a à peine deux ou trois semaines. Les sentiments ? Ils viendront plus tard...
Pour les fiançailles d'Alice, un cochon et cinquante canards ont été tués. Comme il n'y a eu que 120 convives, j'ai pu participer à la fête un mois plus tard en mangeant un de ces canards. Il avait simplement été roulé dans le sel et accroché au-dessus du feu dans un sac ajouré. Brûler des écorces de canne à sucre de temps en temps lui ont ajouté du goût. Avec quelques morceaux de lard, du riz et de la salade plongée dans le bouillon d'un poisson fraîchement tué, ce canard le repas était complet. Ha, si, il y avait aussi des nouilles de patate douce. Ces nouilles sont assez difficiles à obtenir, il faut extraire le jus des patates, le laisser décanter, récupérer le fond et le faire sécher. Ensuite, il faut le réduire en poudre, puis procéder comme pour faire des pâtes avec de la farine : mélanger avec la bonne quantité d'eau, pétrir, étirer, découper, pré-cuire et faire sécher à nouveau. On obtient alors ces nouilles grises et translucides qu'il suffit de plonger dans le bouillon pour les consommer quasi immédiatement.
On mange au rez-de-chaussé assis sur des tabourets de 20 cm de haut, autour d'une plaque électrique réchauffant un bouillon et en tenant son bol de riz à la main. Le chien, qui s'appelle toutou, fais le ménage en permanence.
Après le repas, on regarde des émissions de variété à la télé, assis sur des petites chaises autour d'une bassine de ferraille pleine de charbons de bois incandescents... Humour, chants... On zappe souvent. Des serpents, un Suisse mangeant de la bouse de vache dans le Guizhou (pas tout à fait, il s'agit d'un plat composé du contenu de l'estomac d'une vache), des émissions en arabe sur la télé du Xinjiang, en tibétain sur celle du Xizang... Rien d'intéressant, mais c'est facile à dire quand on ne comprend pas bien la langue... En tout cas, il y a des lapins partout.
On passe de Happy niu year (niu = boeuf en chinois) à happy 2 year (2, en anglais two, ressemble au chinois "tu" = lapin). L'an prochain, ce sera peut-être happy three year ?
L'heure de se coucher approche, la toilette se fait au coin du feu, une bassine d'eau trop chaude et une serviette pour se laver les pieds et le visage. Alice traînant un mauvais rhume a droit à quelques épices dans son bain de pieds. Après ces ablutions, je suis installé dans une chambre, c'est à dire que quelques planches forme des cloisons délimitant sous la ferme trois petites cellules munies chacune d'un lit. Alice partage celle de sa mère, j'occupe la cellule centrale, la troisième sert de débarras. Le fils est au rez-de-chaussé dans une petite annexe de briques et le père dort dans une cabane extérieure attenante à un enclos où il élève une dizaine de faisans.
Un faisan acheté petit 30 yuans peut être revendu 120 yuans une fois élevé. Mais il faut éviter que les rats ne mangent leur nourriture ou pire fassent des trous dans le grillage de l'enclos, trois faisans ont été ainsi perdus l'an dernier. Il y a donc un système de mini clôture électrique muni d'un dispositif d'alerte si le courant est interrompu. Tout ceci est relié à cette cabane de gardien, qui passerait pour confortable voir sympathique si l'on n'était pas en hiver.
Le 2 au matin, je suis tiré du lit pour ne pas rater un moment essentiel de la journée. Un des deux cochons ayant survécu aux fiançailles voit sa dernière heure arriver. L'affaire est vite faite. Quand tout le sang a finit de couler, on allume quelques pétard. Ainsi feront aujourd'hui presque tous les foyers de la vallée, et de presque toutes les vallées de la Chine. Certains tueront un bœuf, mais presque tous le monde rural tuera ce jours-ci. Hier, la lune n'était pas favorable. Avant-hier, la lune était très propice, mais c'était trop tôt pour le nouvel an.
Au dîner, sans surprise, on mange surtout du cochon. Le plus impressionnant étant l'apéritif : un bol de sang cru, agrémenté heureusement de cacahuètes et d'aromates.
Après le repas de midi, nous sommes allé au marché dans le village voisin, histoire d'acheter du bœuf et des poissons au cas où un cochon ne suffise pas. Pas de risque d'être trompé sur la marchandise : la jambe de la bête est pendue par un sabot devant la table d'équarrissage.
De retour du marché, nous sommes allé cherché la future fiancée.
Pendant cette personne, il n'est pas question d'aller chez les gens les mains vides. Nous nous sommes donc arrêté acheter des pommes. Quelques fruits sont le cadeau le plus communément pratiqué. Les parents de la fiancée sont des gens plutôt aisés, ils ont trois cochons et un âne. Nous sommes accueillis dans l'ancienne ferme attenante à la maison de briques. Le soleil que l'on n'avait pas vu depuis des mois, entrait à flots par un raccord de toiture largement ouvert, et faisait jouer ses rayons sur la vapeur d'une bouilloire posée au-dessus d'un feu de bois à même le sol. Nous réalisons que deux poules avaient été tuées pour nous, et devons attendre leur préparation, incroyablement longue.
Alice met à profit cette attente pour passer une épreuve personnelle. Sur la route de terre menant au village de la promise, elle m'explique que 10 ans plus tôt elle parcourais souvent à pieds pendant des heures ce même itinéraire pour retrouver un charmant garçon... Qui s'est marié depuis et à un enfant de deux ans. Je la sens bien nerveuse. "je ne sais plus trop dans quelle maison... je vais essayer d'appeler, mais je ne suis pas sûr de son numéro..." A d'autres, qu'elle puisse ne pas retrouver la maison, bien qu'il y en ait peu, passe encore, mais je la crois incapable d'oublier un numéro de téléphone. Finalement, le rendez-vous est pris à la croisée de deux chemins, la rencontre a lieu, et la photo, la deuxième, après 10 ans... Elle ne sait pas encore si elle la mettra sur son blog.
Sur le chemin, elle me répond à une question que j'avais posé il y a longtemps en me montrant dans un arbre des espèces de courges. A peine mûres, elles se consomment comme des courges. trop mûres, il en reste une espèce d'amas de filasse qui sert à récurer la vaisselle ou peut être utilisée comme un gant de crin.
Au nord du chemin, il y a un attroupement autour d'un groupe d'hommes jouant aux cartes. Les mises sont importantes, il y a beaucoup d'argent sur la table.
Nous rentrons un peu tard et il faut accélérer les préparatifs. En effet, les papiers rouges encadrant les portes d'entrée doivent tous être enlevés et remplacé par ceux de l'année nouvelle, et ceci avant le début du repas qui est quasiment prêt. En tout cas, l'autel des ancêtres est servit, avec un peu de tout ce qui compose la fête.
Les festivités sont assez simples, il s'agit juste de manger. La table est installée à l'étage, sur un plancher que le léger trot du chien suffit à faire trembler. En plus de la famille, il y a quelques oncles et tantes, nous sommes onze à table. Mais les autres convives profiteront du voyage retour de la future fiancée pour s'éclipser. Au retour, toute la vallée est dans une obscurité impressionnante à cause d'une panne générale d'électricité. Or, nous sommes un jour sans lune et personne ne circule sur les routes.
Le courant est rétablis dans la soirée. A minuit moins cinq, la nuit commence à s'agiter progressivement. A l'heure dite, ça explose de partout. On commence par une banderole de pétards bien bruyants, puis on envoie les feux d'artifice. En fait, je me rend compte que cinq cent yuans ne fait qu'un feu bien modeste, beaucoup de fermes ont du mettre dix fois plus. Du coup, on fait durer, en évitant de tout envoyer d'un seul coup, et en gardant une batterie de fusées pour la fin.
Au matin, le père a mis à fond la musique dans son petit cabanon. A défaut d'avoir pu offrir la dernière fusée d'artifice de la nuit, il sonorise tous le village de chants traditionnels.
La première chose de l'année que l'on doit mange est une sorte de laitue amère cuite dans l'eau, et sans assaisonnement. Pour toute la journée, il est interdit d'utiliser un couteau ou quoi que ce soit qui ressemble dans la maison. C'est pour ça que tout a été découpé la veille. Le grand plat plein de viande pré-découpée a passé la nuit sur la table basse, ce qui prouve que les chiens sont bien éduqués... Il y a autre chose d'important à ne jamais faire le jour de l'an, c'est d'uriner ou cracher devant une porte. D'habitude, c'est seulement dégoûtant, mais le jour de l'an, c'est une insulte très grave à l'année qui arrive.
La journée a subit un petit changement de programme. On devait aller chercher du bois. Non pas que cela soit nécessaire, mais traditionnellement, amener du bois dans la maison le premier jour de l'an est un bon présage car dans la langue locale, "bois" ressemble à "argent". Mais finalement, on est allé voir la grand-mère, dans la montagne. Une belle monté à pied, plus court paraît-il que par le chemin carrossable. Comme à l'époque de son enfance, Alice est monté en courant plus de la moitié du chemin. Elle a toujours couru sur ce sentier, sauf si elle montait sur le dos d'un cheval, cramponné alors à la crinière pour ne pas tomber tant la pente est raide.
La maison de la grand-mère est une ferme penchant très franchement du coté où elle va tomber. Une vingtaines de convives étaient attablés. Les planches et poteaux inclinés donnaient une étrange impression que tout le monde était penché sur un sol en pente. Il y a de grands risque que cette ferme finisse par terre à brève échéance...
Après cette visite, nous sommes retournés dans la maison des parents d'Alice pour une dernière soirée. Cette maison, de parpaings, de briques, de terre et de bois va bientôt être entièrement reconstruite dans les standards modernes : moellons et dalle en béton. C'était donc la dernière fête du printemps pour elle.
Le nouvel an chinois est un instant très familial, presque intime. Celle année, le passage se fait la nuit du 2 au 3 février. Je suis arrivé à Changzhou, le village d'Alice, la veille sans bien savoir pourquoi, mais je soupçonne tout simplement, pour avoir vu ce sentiment très souvent, une crainte irrationnelle que je me retrouve isolé pendant les fêtes. Les gens étant pour la plupart chez eux pendant quelques jours, ils ont tendance à croire que tous les commerces sont fermés. Ma logeuse m'a prévenu plusieurs fois, insistant pour que je vienne manger chez elle si jamais je ne trouvais aucun endroit ouvert pendant les fêtes. Dans la pratique, on trouve toujours et sans difficulté une petite échoppe où consommer un bol de nouilles.
Nous nous sommes retrouvé à Changzhou, pour nous acquitter d'une formalité avant d'arriver chez ses parents : acheter pour cent yuan de feux d'artifices et quelques fruits. Les fruits, c'est pour ne pas entrer dans une maison les mains vides en temps de fête. Les feux d'artifice, c'est parce qu'elle avait acheté Quatre cent yuans de feux d'artifice, mais comme nous serons cinq... Marché conclus.
Je ne peux pas m'empêcher de lui rappeler qu'au printemps, elle avait nourris pendant un mois des vers à soi qui ont rapporté bien moins que ce qu'elle a dépensé pour un feu d'artifice d'à peine une minute... Mais il n'y a qu'un jour de l'an pas an !
Pour ceux qui disent que le progrès dans les campagnes chinoises n'existe que dans la propagande, la route de terre et de boue menant à son village a été bétonné. Ce qui est bien appréciable. Nous sommes allé faire un petit tour dans la montagne derrière chez elle. Une piste praticable en Sanma, sorte de véhicule de transports en commun à trois roues dont la version campagnarde peut emmener une dizaine de passagers s'ils se serrent un peu, dessert maintenant un village qui n'était accessible que par un sentier montagnard. Les écoliers seront sans doute ainsi un peu plus nombreux à poursuivre leur scolarité au-delà de l'école primaire.
Ces montagnes, Alice les connaît par coeur. Ce n'était pas à proprement parler son terrain de jeu. Enfant, elle devait surveiller les buffles. C'est très simple, il faut les laisser faire tout ce qu'ils veulent tant qu'ils ne mettent pas en péril la culture du riz ou du maïs. Mais ça bouge beaucoup, un buffle. Alors il faut sans arrêt courir dans la montagne. Là, il y a souvent un nid de frelon. De ceux dont on mange parfois les larves dans les restaurants un peu cher. La forêt est constituée de conifères à croissance rapides, pour le bois de construction et de châtaigniers. En grimpant dans l'un d'eux pour secouer les branches, elle avait chuté d'une dizaine de mètres, sur le dos. Pendant plusieurs semaines, elle n'avait pas pu se redresser, mais n'avait pas osé parler de cet accident à sa mère de peur de se faire gronder, prétextant un mal de dos attrapé en dormant. Une autre fois, autre châtaignier, c'est une amie voulant la suivre qui était tombé. Elle a eu moins de chance et n'a pas pu éviter l'hôpital.
Dans cette montagne, il y aurait encore un très gros serpent. Mais elle ne l'a jamais vu. Sa mère par contre lui a raconté qu'une année, il y avait un très gros serpent accompagné de nombreux petits. Tous les enfants de l'époque étaient allé voir ce phénomène incroyable. Cette année, beaucoup de personnes sont mortes.
Les parents d'Alice ne sont pas superstitieux. Ils n'ont pas de miroir au-dessus de leur porte pour effrayer les fantômes et les ciseaux accrochés à coté ne sont là que pour la cuisine.
2001 n'est pas très bonnes pour les finances, car le père d'Alice a fiancé sa fille début janvier, et son fils se fiancera dans quelques jours. Mais comment en définitive Alice a-t-elle fait pour convaincre ses parents d'accepter ce gendre qu'ils rejetaient depuis si longtemps ? Par la raison ? L'affrontement ? Le chantage ? Rien de tout ça, elle n'a jamais contredit ses parents, jamais défié leur autorité. Elle a juste fait comme bon lui semblait, et avec le temps, ils ont finit à se résigner et à suivre doucement son idée.
Son petit frère et sa promise ont eu moins de chance. Les familles ont pratiquement tout décidé, leur ont vaguement demandé leur avis et ont programmé les fiançailles très rapidement. Si bien qu'ils ne se connaissent par téléphone que depuis quelques mois et se sont rencontrés pour la première fois il y a à peine deux ou trois semaines. Les sentiments ? Ils viendront plus tard...
Pour les fiançailles d'Alice, un cochon et cinquante canards ont été tués. Comme il n'y a eu que 120 convives, j'ai pu participer à la fête un mois plus tard en mangeant un de ces canards. Il avait simplement été roulé dans le sel et accroché au-dessus du feu dans un sac ajouré. Brûler des écorces de canne à sucre de temps en temps lui ont ajouté du goût. Avec quelques morceaux de lard, du riz et de la salade plongée dans le bouillon d'un poisson fraîchement tué, ce canard le repas était complet. Ha, si, il y avait aussi des nouilles de patate douce. Ces nouilles sont assez difficiles à obtenir, il faut extraire le jus des patates, le laisser décanter, récupérer le fond et le faire sécher. Ensuite, il faut le réduire en poudre, puis procéder comme pour faire des pâtes avec de la farine : mélanger avec la bonne quantité d'eau, pétrir, étirer, découper, pré-cuire et faire sécher à nouveau. On obtient alors ces nouilles grises et translucides qu'il suffit de plonger dans le bouillon pour les consommer quasi immédiatement.
On mange au rez-de-chaussé assis sur des tabourets de 20 cm de haut, autour d'une plaque électrique réchauffant un bouillon et en tenant son bol de riz à la main. Le chien, qui s'appelle toutou, fais le ménage en permanence.
Après le repas, on regarde des émissions de variété à la télé, assis sur des petites chaises autour d'une bassine de ferraille pleine de charbons de bois incandescents... Humour, chants... On zappe souvent. Des serpents, un Suisse mangeant de la bouse de vache dans le Guizhou (pas tout à fait, il s'agit d'un plat composé du contenu de l'estomac d'une vache), des émissions en arabe sur la télé du Xinjiang, en tibétain sur celle du Xizang... Rien d'intéressant, mais c'est facile à dire quand on ne comprend pas bien la langue... En tout cas, il y a des lapins partout.
On passe de Happy niu year (niu = boeuf en chinois) à happy 2 year (2, en anglais two, ressemble au chinois "tu" = lapin). L'an prochain, ce sera peut-être happy three year ?
L'heure de se coucher approche, la toilette se fait au coin du feu, une bassine d'eau trop chaude et une serviette pour se laver les pieds et le visage. Alice traînant un mauvais rhume a droit à quelques épices dans son bain de pieds. Après ces ablutions, je suis installé dans une chambre, c'est à dire que quelques planches forme des cloisons délimitant sous la ferme trois petites cellules munies chacune d'un lit. Alice partage celle de sa mère, j'occupe la cellule centrale, la troisième sert de débarras. Le fils est au rez-de-chaussé dans une petite annexe de briques et le père dort dans une cabane extérieure attenante à un enclos où il élève une dizaine de faisans.
Un faisan acheté petit 30 yuans peut être revendu 120 yuans une fois élevé. Mais il faut éviter que les rats ne mangent leur nourriture ou pire fassent des trous dans le grillage de l'enclos, trois faisans ont été ainsi perdus l'an dernier. Il y a donc un système de mini clôture électrique muni d'un dispositif d'alerte si le courant est interrompu. Tout ceci est relié à cette cabane de gardien, qui passerait pour confortable voir sympathique si l'on n'était pas en hiver.
Le 2 au matin, je suis tiré du lit pour ne pas rater un moment essentiel de la journée. Un des deux cochons ayant survécu aux fiançailles voit sa dernière heure arriver. L'affaire est vite faite. Quand tout le sang a finit de couler, on allume quelques pétard. Ainsi feront aujourd'hui presque tous les foyers de la vallée, et de presque toutes les vallées de la Chine. Certains tueront un bœuf, mais presque tous le monde rural tuera ce jours-ci. Hier, la lune n'était pas favorable. Avant-hier, la lune était très propice, mais c'était trop tôt pour le nouvel an.
Au dîner, sans surprise, on mange surtout du cochon. Le plus impressionnant étant l'apéritif : un bol de sang cru, agrémenté heureusement de cacahuètes et d'aromates.
Après le repas de midi, nous sommes allé au marché dans le village voisin, histoire d'acheter du bœuf et des poissons au cas où un cochon ne suffise pas. Pas de risque d'être trompé sur la marchandise : la jambe de la bête est pendue par un sabot devant la table d'équarrissage.
De retour du marché, nous sommes allé cherché la future fiancée.
Pendant cette personne, il n'est pas question d'aller chez les gens les mains vides. Nous nous sommes donc arrêté acheter des pommes. Quelques fruits sont le cadeau le plus communément pratiqué. Les parents de la fiancée sont des gens plutôt aisés, ils ont trois cochons et un âne. Nous sommes accueillis dans l'ancienne ferme attenante à la maison de briques. Le soleil que l'on n'avait pas vu depuis des mois, entrait à flots par un raccord de toiture largement ouvert, et faisait jouer ses rayons sur la vapeur d'une bouilloire posée au-dessus d'un feu de bois à même le sol. Nous réalisons que deux poules avaient été tuées pour nous, et devons attendre leur préparation, incroyablement longue.
Alice met à profit cette attente pour passer une épreuve personnelle. Sur la route de terre menant au village de la promise, elle m'explique que 10 ans plus tôt elle parcourais souvent à pieds pendant des heures ce même itinéraire pour retrouver un charmant garçon... Qui s'est marié depuis et à un enfant de deux ans. Je la sens bien nerveuse. "je ne sais plus trop dans quelle maison... je vais essayer d'appeler, mais je ne suis pas sûr de son numéro..." A d'autres, qu'elle puisse ne pas retrouver la maison, bien qu'il y en ait peu, passe encore, mais je la crois incapable d'oublier un numéro de téléphone. Finalement, le rendez-vous est pris à la croisée de deux chemins, la rencontre a lieu, et la photo, la deuxième, après 10 ans... Elle ne sait pas encore si elle la mettra sur son blog.
Sur le chemin, elle me répond à une question que j'avais posé il y a longtemps en me montrant dans un arbre des espèces de courges. A peine mûres, elles se consomment comme des courges. trop mûres, il en reste une espèce d'amas de filasse qui sert à récurer la vaisselle ou peut être utilisée comme un gant de crin.
Au nord du chemin, il y a un attroupement autour d'un groupe d'hommes jouant aux cartes. Les mises sont importantes, il y a beaucoup d'argent sur la table.
Nous rentrons un peu tard et il faut accélérer les préparatifs. En effet, les papiers rouges encadrant les portes d'entrée doivent tous être enlevés et remplacé par ceux de l'année nouvelle, et ceci avant le début du repas qui est quasiment prêt. En tout cas, l'autel des ancêtres est servit, avec un peu de tout ce qui compose la fête.
Les festivités sont assez simples, il s'agit juste de manger. La table est installée à l'étage, sur un plancher que le léger trot du chien suffit à faire trembler. En plus de la famille, il y a quelques oncles et tantes, nous sommes onze à table. Mais les autres convives profiteront du voyage retour de la future fiancée pour s'éclipser. Au retour, toute la vallée est dans une obscurité impressionnante à cause d'une panne générale d'électricité. Or, nous sommes un jour sans lune et personne ne circule sur les routes.
Le courant est rétablis dans la soirée. A minuit moins cinq, la nuit commence à s'agiter progressivement. A l'heure dite, ça explose de partout. On commence par une banderole de pétards bien bruyants, puis on envoie les feux d'artifice. En fait, je me rend compte que cinq cent yuans ne fait qu'un feu bien modeste, beaucoup de fermes ont du mettre dix fois plus. Du coup, on fait durer, en évitant de tout envoyer d'un seul coup, et en gardant une batterie de fusées pour la fin.
Au matin, le père a mis à fond la musique dans son petit cabanon. A défaut d'avoir pu offrir la dernière fusée d'artifice de la nuit, il sonorise tous le village de chants traditionnels.
La première chose de l'année que l'on doit mange est une sorte de laitue amère cuite dans l'eau, et sans assaisonnement. Pour toute la journée, il est interdit d'utiliser un couteau ou quoi que ce soit qui ressemble dans la maison. C'est pour ça que tout a été découpé la veille. Le grand plat plein de viande pré-découpée a passé la nuit sur la table basse, ce qui prouve que les chiens sont bien éduqués... Il y a autre chose d'important à ne jamais faire le jour de l'an, c'est d'uriner ou cracher devant une porte. D'habitude, c'est seulement dégoûtant, mais le jour de l'an, c'est une insulte très grave à l'année qui arrive.
La journée a subit un petit changement de programme. On devait aller chercher du bois. Non pas que cela soit nécessaire, mais traditionnellement, amener du bois dans la maison le premier jour de l'an est un bon présage car dans la langue locale, "bois" ressemble à "argent". Mais finalement, on est allé voir la grand-mère, dans la montagne. Une belle monté à pied, plus court paraît-il que par le chemin carrossable. Comme à l'époque de son enfance, Alice est monté en courant plus de la moitié du chemin. Elle a toujours couru sur ce sentier, sauf si elle montait sur le dos d'un cheval, cramponné alors à la crinière pour ne pas tomber tant la pente est raide.
La maison de la grand-mère est une ferme penchant très franchement du coté où elle va tomber. Une vingtaines de convives étaient attablés. Les planches et poteaux inclinés donnaient une étrange impression que tout le monde était penché sur un sol en pente. Il y a de grands risque que cette ferme finisse par terre à brève échéance...
Après cette visite, nous sommes retournés dans la maison des parents d'Alice pour une dernière soirée. Cette maison, de parpaings, de briques, de terre et de bois va bientôt être entièrement reconstruite dans les standards modernes : moellons et dalle en béton. C'était donc la dernière fête du printemps pour elle.
Dernière édition par Admin le Sam 19 Fév - 14:04, édité 1 fois
Les photos
Une vallée au nord de la province du Guangxi. Le cheval reste un moyen de transport bien utilisé.
Le sanma, véhicule à trois roues utilisé comme taxi.
Des voisins en promenade.
La chambre
Prêt à tuer...
Le couteau a disparu...
Une fois le couteau retiré...
Le petit frère touille le sang.
Photos de famille.
Au marché, on reconnais la viande a ses pieds.
Vous avez une belle tête de vache...
Nouilles de patate douce en vente au marché.
La promise du frère d'Alice.
Fabrication d'une éponge à récurer neuve.
Les retrouvailles.
La photo.
L'arbre à éponges à récurer.
Décorations pour le nouvel an.
Des gâteaux de riz gluants emballés dans une feuille de bambou.
Charbonière (le charbon de bois est produit sur place).
La maison
Alice et ses parents sur la terrasse
Un faisan.
Mur de moellons
Mur de briques cuites
Mur de briques crues
Le grenier est une dépendance importante de la ferme. La maçonnerie est très soignée et les murs sont enduits de chaux. Il n'y a pas de porte, mais une fenêtre, en général cadenassée.
Dans le grenier
Le sanma, véhicule à trois roues utilisé comme taxi.
Des voisins en promenade.
La chambre
Prêt à tuer...
Le couteau a disparu...
Une fois le couteau retiré...
Le petit frère touille le sang.
Photos de famille.
Au marché, on reconnais la viande a ses pieds.
Vous avez une belle tête de vache...
Nouilles de patate douce en vente au marché.
La promise du frère d'Alice.
Fabrication d'une éponge à récurer neuve.
Les retrouvailles.
La photo.
L'arbre à éponges à récurer.
Décorations pour le nouvel an.
Des gâteaux de riz gluants emballés dans une feuille de bambou.
Charbonière (le charbon de bois est produit sur place).
La maison
Alice et ses parents sur la terrasse
Un faisan.
Mur de moellons
Mur de briques cuites
Mur de briques crues
Le grenier est une dépendance importante de la ferme. La maçonnerie est très soignée et les murs sont enduits de chaux. Il n'y a pas de porte, mais une fenêtre, en général cadenassée.
Dans le grenier
Dernière édition par Admin le Sam 19 Fév - 14:07, édité 2 fois
Re: Fêtes du nouvel an chinois chez Alice
Et bonne année !
mystheria- Messages : 149
Date d'inscription : 18/05/2008
Age : 32
Localisation : Savoie (73)
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